Retour à casa

2 jours pour rentrer au camp de base, 3 jours de plus pour rentrer à la maison. Entre temps, on a "goûté" à un gâteau à base de pâte d'amande au Camp 1, fait par l'équipe d'Asia Mountains en récompense de notre sommet ... Faire un gâteau à cette altitude, chapeau ! Mais le manger entièrement a été au dessus de nos forces ... ;o) L'équipe de l'agence a remis ça au camp de base, avec un autre gâteau hyper calorique, que l'on n'a pas pu finir non plus !
Clap de fin Les quelques litres de bière avalés à Bishkek la veille du départ sont passés beaucoup plus facilement, on en a profité pour se payer quelques bonnes saucisses allemandes et des frites encore croustillantes ! La peau du ventre bien tendue, on a tranquillement roupillé sur le siège de la coiffeuse du quartier, qui a eu du boulot pour nous redonner une tête présentable.
Si je suis heureux d'avoir atteint le sommet avec Alex la Blonde, ma joie aurait été complète si Alex le Cous' et Stéph avaient pu nous accompagner. Je suis convaincu que ce n'est que partie remise, que l'expérience vécue tous ensemble nous redonnera envie d'aller vivre d'autres moments dans l'air raréfié, au Kirghizistan ou ailleurs.
M'enfin l'important dans ce genre d'expéditions est de tous rentrer, entiers. Avec un peu de recul je pense que nous avons effectué les choix à moindre risque, la montagne étant par définition un environnement à risques. Et le Lénine, malgré son côté abordable, a encore frappé cette année ...
Les deux éléments très positifs que je retiens : expédition après expédition on construit une équipe expérimentée en haute montagne, une équipe de potes qui se respecte, se fait confiance et s'entraide + notre capacité à monter des cordées sur des montagnes plus techniques se confirme. D'autres perspectives s'ouvrent ... :o)
Pour résumer et faire moins pompeux : on s'est éclatés comme des bêtes, vivement que l'on reparte !!!


Sommet du Pic Lénine

Les rafales violentes n'ont pas cessé de la nuit. A l'heure de départ (4h30), je sors de la tente : on a du mal à tenir debout sous le poids du vent, de plus le temps est totalement bouché à l'ouest et au sud. Mauvais signe. On remet le départ à 2 heures plus tard, mais même constat au soleil levant : le sommet n'est pas pour aujourd'hui. Le vent faiblira plus tard dans la matinée (9h), trop tard pour l'ascension.
Gardez le sourire ! On décide alors de prolonger une nuit supplémentaire au C3 ... On se serre à 4 dans une tente pour faire monter le thermomètre pendant la journée. Le temps s'écoule lentement, ponctué par un repas frugal, des siestes légères et une réhydratation continue. Sur le coup des 6 heures du soir, la radio crépite, le camp de base nous envoie les prévisions météo : "Good weather for summit for tomorrow !". Même litanie qu'hier, le routeur météo oublie juste de nous rappeler la vitesse prévisionnelle des vents ...
Le vent, parlons-en : il a de nouveau forci pendant la nuit, nos tentes semblent pouvoir s'envoler à tout moment (c'est ce qui se passera d'ailleurs pour certaines tentes arrachées au Camp 3, 2 et même 1). Alex vient me voir à 5h, on repousse le départ d'une heure devant la force des bourrasques.
A 6 heures, malgré le vent, il fait beau : il ne faut plus hésiter, on est jeudi aujourd'hui, le dernier créneau pour le sommet. Je secoue tout le monde, et en moins d'une heure, on décolle. La plaque du sommet Le vent nous congèle sur les premières pentes. En descendant au col à 6000 mètres, je tombe dans un trou jusqu'à la taille : Stéphanie m'en sort en me tendant un bâton ... On attaque le premier ressaut jusqu'à 6400 mètres. Stéph, trop lente, sans énergie, abandonne. On gravit la pente, mais le cousin Alex a souffert dans la montée et décide lui aussi de faire demi-tour. Il ne reste qu'Alex la blonde et moi face au Pic Lénine. Dommage car l'orientation de l'arête est au sud-est, elle est moins exposée aux vents et du coup l'ascension se révèle moins pénible. On passe une dernière difficulté, des cordes fixes dans une pente à 45°, et nous voilà à 6800 mètres en train de monter lentement le plateau sommital. Il est interminable, mais je sais que la partie est gagnée, il faut juste s'accrocher, pas après pas.
Le drapeau du sommet bat devant nous à 100 mètres, 50, puis 20, puis 10, puis 5 ... On y est : 14h30, après 7h30 de montée, nous voilà sur les 7134 mètres du Pic Lénine. A la ronde le seul massif qui nous fait concurrence en terme d'altitude est celui du nord du Tadjikistan (moins de 100 km d'ici), avec le Pic Korjenevskaya et le Pic du Communisme. 2 autres 7000, références des Snow Leopards ...


Ascension finale : Du Camp de base au Camp 3

C'est reparti pour l'ascension finale. Les infos météos récupérées auprès de notre routeur français (Titi, le frère d'Alex) sont confirmées par l'intendance du Camp de base : mauvais demain (dimanche) et après-demain, beau et venteux à partir de mardi, au moins jusqu'à jeudi. Jeudi étant le dernier jour possible pour le sommet. Le plan est désormais le suivant, jour après jour : montée au C1, montée au C2 (toujours dans la grisaille, pour éviter l'effet "poêle à frire" de la cuvette à 5000 mètres), C3, puis sommet, mercredi normalement.
Passage de crevasses 4 heures de montée jusqu'au C1, je ne me souvenais pas que le chemin de mules était aussi déversé, avec des à pic vertigineux et des passages sans trace dans des éboulis de pierres qui chutent dans la gueule béante du glacier. Arrivés au C1, on rencontre 4 français qui tentent le sommet en style alpin : le manque de cohésion et l'inexpérience du groupe pousseront 3 d'entre eux à rebrousser chemin quelques jours plus tard.
Démarrage le lendemain matin à 6h, rythme plutôt pépère : tout le monde préserve ses forces en vue de l'assaut final. On sécurise le passage des crevasses au maximum car elles se sont encore plus ouvertes depuis le dernier passage. On arrive au C2 bien plus en forme que la dernière fois. Nos voisins du soir nous proposent un surplus de nourriture : soupe aux légumes, lentilles déshydratées, cake au fruits, voilà qui change de notre rituel aux pâtes chinoises.
Le Camp 3 sous la neige fraîche La montée au C3 s'annonce pas piquée des hannetons, chargés de nos tentes et de la nourriture. Dès le 1er ressaut à 40°, Alex la blonde et Stéphanie couinent sous le poids du chargement. Et pour corser l'affaire, le faux plat avant la dernière pente est exposé à des rafales qui nous décollent du sol.
Chacun prend les choses en main : les deux Alex font la trace devant dans la neige fraîche, je soulage Stéph d'un peu de poids. On monte bien malgré le grésil qui nous griffe : en 3h30 nous voilà à 6140 mètres, le camp 3 est violemment balayé par les vents. Avec Alex la blonde on terrasse une plateforme et on installe la première tente North Face. Puis vu le nombre de tentes libres de leurs occupants, on décide de squatter une seconde tente : personne ne viendra nous enlever de là avant la fin de la tempête. Le souci est qu'on n'arrive pas à ventiler la tente correctement, la condensation est maximale à l'intérieur : la nuit va être courte avant l'attaque du sommet.


Repos : Camp de base

Beaucoup d'expés descendent du C1, mais malgré les conditions des jours derniers qui paraissaient idéales, peu ont réussi à atteindre le sommet. L'attente au camp de base La descente au camp de base paraît plus escarpée qu'à l'aller, le chemin disparaît sous des éboulis, eux mêmes semblent dévaler une pente vertigineuse jusqu'à l'antre béante du glacier.
Un peu moins de 4h plus tard, nous voilà sur l'herbe en train de bronzer. 3 autrichiens, dont un père et son fils, entament leur seconde bouteille de vodka alors que la nuit tombe. Ils fêtent leur ascension victorieuse, jusqu'à se faire ramener ivres morts jusqu'à leur tente. De notre côté, on tourne au thé et à l'eau claire, presque envieux.
La journée de repos qui suit est des plus tranquilles. Pendant que les autrichiens décuvent en attendant leur bus, on fait une grande "lessive". Une douche d'abord, puis avec le savon de Marseille restant on s'échine à enlever la crasse de nos vêtements ... Malgré un temps qui s'est un peu dégradé (pluie et vent), le moral général est bon, Stéphanie s'interroge parfois sur les efforts à refournir pendant 4 jours pour avoir la possibilité de tenter le sommet. On noie nos interrogations dans le bol de soupe, et on s'occupe les neurones avec des parties de cartes. Patience, patience dit la montagne ...


Acclimation : Du Camp 1 au Camp 3

Lever 3h45, démarrage poussif une heure et demie plus tard pour le Camp 2. On se retrouve dans les premiers pour attaquer les cordes fixes d'une pente de 80 mètres à 55°. On récupère le matos entreposé à mi-parcours. Le surcroît de poids et le soleil qui commence à taper nous pèsent sacrément. Un mur sur la route du Camp 2 Un long faux plat entre les crevasses finit par nous achever : on arrive au C2 vidés après 6h30. Ils nous faut près de 2 heures pour installer les tentes. Pour la première montée à 5420m, tout est ralenti. On s'endort sur des plateformes rocheuses contenant à peine nos tentes.
Le C2 est en pente, même aller aux toilettes est compliqué : mais en équilibre sur deux rochers instables et les fesses à l'air, la vue est imprenable. On fait un aller retour au Camp 3 dans la journée : un premier ressaut à 40° jusqu'à 5700m, un faux plat montant, puis un second ressaut jusqu'à près de 45° jusqu'à 6140m. Nous voilà au C3, on pousse jusqu'au Pic Razdelnaya pour la photo. Le temps est magnifique, grand soleil et absence de vent, l'arête vers le sommet est magnifique. Mais on doit descendre, notre acclimatation n'est pas finie, trop tôt pour continuer à monter. Le Camp 2 au lever Le repas du soir est franchement dégueu, la faute à une "sauce" à pâtes trop épicée. Alex le cous' se couche en ayant plein les pattes, l'autre Alex vomit lui son repas. Du coup la soirée est écourtée, les poules sont au poulailler avant le coucher du soleil.
Pas évident de trouver la bonne impulsion pour se lever le lendemain : après les pâtes turques à la sauce russe inmangeables, voilà les flocons d'avoine à la poudre de lait et au miel : pas franchement meilleur. Descente en 3h jusqu'au C1, l'absence de neige et le soleil font apparaître les crevasses béantes. On est encordés, prêts à tout moment à ce que l'un d'entre nous passe au travers.
Au Camp 1, on décide de notre tactique d'attaque du sommet : Stéphanie est partante pour remonter rapidement jusqu'au sommet et profiter d'un créneau météo qui s'annonce favorable pour les prochains jours. Pour sa part, Alex la blonde, après 3 jours sans sommeil et de mal de tête, préfère récupérer avant de se relancer. On finit par s'accorder pour redescendre au Camp de base 1/2 jours pour se reposer avant de se lancer à l'attaque du sommet.


Autour du Camp 1

Le C1 est plus spartiate que le Camp de Base, et l'herbe grasse a été remplacée par les cailloux de la moraine. Mais on est au pied de la face du Nord du Lénine, et la vue vaut tous les inconforts. Au premier matin, on se lance dans un portage sur le chemin du C2. L'objectif est de laisser tentes et nourriture sur la trace aux alentours de 5000 mètres. Le Club Med Objectif accompli, on redescend dans une neige déjà transformée par le soleil, laissant deviner de nombreuses crevasses sous cutanées. Certains ponts de neige sont déjà limite.
5h30 plus tard, de retour avec une fatigue perceptible. Alex la blonde montre des signes du mal des montagnes, un mal de tête persistant. Après une grosse sieste, on décide de la stratégie des jours à venir : un jour off au C1 pour parfaire l'acclimatation à cette altitude et éviter de griller les cartouches (physiques). On valide ça pendant la rituelle partie de cartes dans la tente Red Fox.
Le lendemain matin, petit déj' avec saucisse-oeuf dans la tente mess à 8h, déjeuner vers 13h30 avec une soupe de légumes et un poulet-frites kirghize d'anthologie, spaghettis pour le dîner de 19h. Autour de nous, des russes et des autrichiens préparent leur "push" final vers le sommet. Dans 3 jours ils seront normalement au sommet, si leur condition et les conditions s'y prêtent.


Camp de base au Camp 1

Deux grimpeurs russes ont fêté leur ascension réussie toute la nuit. La vodka les a bien fait chanter, et le matin venu, ils n'ont pas encore décuvé. Marche d'acclimatation de 3600m à 4300m, on rentre avant le grain la tête plein d'images de la face nord du Pic Lénine.
Sur le chemin du Camp 1 Le chauffeur d'hier s'est envolé avec une enveloppe remplie de grosses coupures en US dollars, la fille qui tient le camp de base d'Asia Mountains nous demande si on a relevé la plaque d'immatriculation. Coup de chance, j'ai pris une photo du devant du camion.
Le lendemain matin au réveil, un gros hélico russe se pose au camp de base, et décharge une cargaison de pastèques. Sa vraie mission est de rapatrier un iranien du C1, iranien bloqué une nuit à 6800m et à moitié congelé. L'iranien a dû avoir le temps de dégeler, car l'hélico a mis 2 jours à venir lui porter secours : il n'y en a que deux qui couvrent tout le Kirghizistan. Du coup il vaut mieux ne pas trop compter sur les secours ici : un grimpeur russe, victime d'un oedème cérébral il y a quelques jours, en a fait les frais.
Il nous faut 4h30 pour monter au C1 à 4430m d'altitude, avec beaucoup "d'up and down". Pas trop dur avec des sacs de 12 kilos max, le reste étant sur le dos des mules qui nous suivent. On ne va pas commencer à s'épuiser trop tôt.


C'est parti

Arrivée à Bishkek à 5h. C'est Alyona, une jolie rousse russe de l'agence Asia Mountains, qui nous accueille. On récupère les billets d'avion pour Osh, sud du Kirghizistan. Pendant ce temps, une équipe de mécanos resserre les boulons du moteur gauche de l'avion, un vieil Antonov bon pour le musée. Ca hoquète, ça vibre, ça tourne, un peu, beaucoup, ça secoue, ça rebondit, ça s'élance, ça se redresse, et ça finit par décoller. On laisse les avions de l'armée US sur l'aéroport de Bishkek.
De Bishkek à Osh Osh, ses larges allées, ses militaires planqués à chaque angle, ses ouzbèques planqués tout court. Une sieste, une opération de change, des courses au supermarché pour les camps d'altitude, et puis quelques bières avant de finir dans le resto d'une mamie. Elle s'occupe de nous avec soin, heureusement car la carte en alphabet cyrillique ne nous inspirait pas vraiment. Sur le chemin de retour, l'estomac bien rempli, le cousin Alex tombe dans un égout sans plaque : pas de fracture, mais un gros trou dans la peau au niveau du tibia ... opération de chirurgie amateur à l'hôtel. Déjà estropié, pas encore sur la montagne.
Le lendemain, le chauffeur et sa jeep nous mènent au camp de base en 6 heures au lieu des 9 habituelles. Résultat : un chien et deux oiseaux écrasés, un dérapage incontrôlé qui nous coûte presque de dévaler dans le ravin, un gamin ramassé en stop qui vomit dans les jupes de sa mère.
Le camp de base ressemble à un camp de vacances, on est loin de la haute montagne.