Yo soy latino !
A peine levé, je descends dans la rue et constate que comme nous l'avions entendu la veille, rien ne roule dans le centre de Sucre et dans l'ensemble des grandes villes de Bolivie. La grève est générale et paralyse tous les transports publics et même privés.
Un service de colectivos ouvert très tôt le matin (6h) assure la liaison entre le bas et le haut de la ville en plus des combis privés. Nous respirons une dernière fois l'air matinal et très frais, avant de s'embarquer pour d'autres horizons péruviens; mais avant cela, le contrôle douanier sévère nous rappelle qu'ici on ne plaisante pas avec les trafics, et la Bolivie étant derrière la Colombie le plus important producteur notamment de cocaïne.
Les avenues sont déjà grouillantes de monde, les minibus et colectivos sont pleins à craquer ... Nous essayons d'après les conseils de notre sympathique patronne d'attraper la bonne ligne, même si cela n'est pas facile dans cet immense capharnaüm. Nous arrivons tant bien que mal après avoir demandé de nombreuses fois notre chemin au musée anthropologique et archéologique de Lima. Nous prenons une guide, et la visite consacrée aux civilisations pré-incaïques se révèle très enrichissante.
Renseignements pris auprès du propriétaire de l'hôtel, nous apprenons que l'aéroport est à l'écart de la ville et qu'y aller à pied prendra beaucoup de temps. Par son intermédiaire, nous essayons de contacter plusieurs compagnies de taxi, qui refusent de nous prendre, jusqu'à tomber sur un chauffeur un peu plus kamikaze que les autres, et prêt à profiter de la situation pour garnir son porte-monnaie.
Il vient nous chercher 1h30 avant le départ du vol, sa carte de taxi entre les dents, tout un présage, et nous voilà embarqués dans une poursuite infernale qui ne pourrait laisser de marbre qu'un mort. La sortie du centre ville s'annonce très périlleuse : la grande majorité des rues sont bloquées par des barrages de taxis, bus et camions ...
Le rodéo commence alors : ascension de trottoirs, ailes raclées contre un mur pour forcer un passage trop étroit, barrages montés par des grévistes menaçants, pierres et barres de fer à la main, passage par un jardin public, où la vieille voiture américaine reste un moment coincée sur une butte, à éviter les bacs à sable, gamins traversant presque sous les roues de la coche lancée tous tuyaux hurlants, dérapages à peine contrôlés sur les pavés glissantsn, routes à ornières gigantesques, tentative pour s'engager dans une pente à 45°, vitesse excessive par un fangio du volant, le tout entre crissement des pneus et cailloux s'entrechoquant sous la carrosserie malade, nous arrivons à l'aéroport dans un état d'épuisement grandiose, l'estomac exorbité ...
Le pourboire est royal, et je mets plus d'une heure à m'en remettre entre sueurs et nausées. L'avion fait d'abord une escale à Cochabamba, pour enfin atterrir sur lo Alto de La Paz, en ayant survolé les cimes enneigées de la cordillère des Andes, avant de découvrir soudainement la ville encaissée sous les ailes de la Lloyd, deux millions d'habitants à 4000 mètres d'altitude perdus au milieu des ses immenses montagnes.
Nous descendons dans le centre ville pour retrouver notre hôtel, et nous passons le reste de l'après-midi à flâner dans les artères commerçantes de la rue Sagarnaga, histoire d'enrichir notre collection de souvenirs de voyage. Tapis et tentures sont certes très beaux, mais le marchandage ici est moins aisé et surtout le guichet de la banque refuse qu'on lève de nouveaux dollars !
La soirée s'épuisera au fur et à mesure de nos derniers "bolos", histoire de boire le calice jusqu'à sa meilleure lie ...
Le voyage en avion nous permet d'admirer le lac Titicaca, immense flaque enserré dans un écrin de montagnes rouges et couronnées de blanc ... Malgré le double vitrage des hublots, nous ne résistons pas à l'envie de faire crépiter l'appareil photo. Pour la seconde fois de notre périple, nous atterrissons à Lima; nous négocions le prix des taxis avec l'expérience des touristes déjà arnaqués (pratiquement deux fois moins qu'à la première fois), et nous décidons, suivant les conseils du taxi, de nous établir en centre-ville, malgré la mauvaise réputation de certains de ses quartiers.
L'hostal del Sol est sympathique, la patronne gentille, mais à peine installés, je suis pris d'une forte poussée de fièvre qui ve me clouer au lit une grande partie de la journée : le contre-coup des variations climatiques de ces derniers jours. Le soir, je réussis quand-même à me traîner dehors pour tester un restaurant végétarien !
Un tout petit restaurant assez original nous propose un menu économique et très bon, avant de nous relancer sur les avenues liméennes à la recherche du bon colectivo. Le musée de la Nation constitue notre prochaine étape, immense bâtiment, un peu triste et carré d'extérieur, mais regorgeant de richesses dans ses étages. Les visites ici sont ordonnées, démarrant toutes les demi-heures, et nous trainons à la queue du groupe ... Les explications écrites autour des vestiges rassemblés le long des salles captent toute notre attention, notamment les informations relatives aux dynasties incas et à leur soumission au conquérant espagnol.
Nous négocions un taxi pour aller au Musée del Oro, qui se trouve un peu excentré par rapports aux grands axes de la capitale : ce musée, gardé comme une banque, regorge de dizaines de milliers de pièces et forme le musée le plus riche et le plus complet que l'on ait jamais vu mais aussi le plus documenté (pièces en argent, or, céramiques, tissus de toutes les époques, armes et uniformes de guerre, des armoires pleines de statuettes décadentes de la civilisation Mochica, qui avait un goût prononcé pour tout ce qui touchait le sexe). Une vraie caverne d'Ali-Baba ... Nous sommes presque assommés par tant de connaissances accumulées, ce dont veut profiter un journaliste chilien pour nous interviewer ... On finit par s'échapper entre ses pattes !
Le chauffeur de taxi qui nous ramène à l'hôtel est vraiment très agréable : pas besoin de comprendre trop l'espagnol pour saisir ses griefs contre Fujimori et les descendants d'espagnols qui monopolisent le pouvoir politique et économique du pays ... L'échange se transforme vite en grande partie de rigolade, et résume tout à fait le comportement péruvien : si vous faites attention à eux et à leur vie, vous rentrez vite dans leur sympathie ... Nous promettons à notre chauffeur de parler autour de nous à notre retour en France des conditions de vie péruviennes qui ne sont pas roses pour les indiens particulièrement, du démocrate-dictateur Fujimori, tout ce qu'évite consciencieusement de dire les médias internationaux.