Chapitre V

Simon Bolivar, ce héros

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  • 29 juillet - La Paz - Cochabamba
  • 30 juillet - Cochabamba
  • 31 juillet - Sucre
  • 1 août - Sucre - Tarabuco - Sucre
  • 2 août - Sucre - Potosi
  • 3 août - Potosi - Sucre
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  • Jeudi 29 juillet

    Le froid matinal nous assaille dès que nous posons le pied hors du lit; les quelques mètres pour prendre un taxi qui nous mènera au terminal de bus sont suffisants pour nous enrhumer, et nous font espérer des températures plus clémentes pour la suite du voyage. Finalement, une fois installés dans le bus pour Cochabamba qui peut être presque qualifié de confortable, nous oublions l'hiver pour profiter des paysages arides de l'Altiplano.
    L'arrêt du déjeuner se fait au milieu de nulle part, une case posée au milieu du désert; apparemment, elle a été construite par la compagnie de bus qui profite du transport de ses voyageurs pour les nourrir dans ses propres restaurants. La température est maintenant largement supportable, nous enlevons les peaux dont nous nous étions affublés à La Paz.
    L'Altiplano La route devient de plus en plus montagneuse, nous grimpons progressivement au milieu des rocailles. Vus que nous étions déjà à plus de 4000 mètres à la sortie de La Paz, je pense que avons désormais allégrement dépassé le sommet du Mont Blanc. Puis pendant plus d'1h30, nous descendons, le chauffeur presque debout sur les freins, j'espère qu'il change les disques régulièrement vu les épreuves qu'ils traversent.
    La vallée se dessine devant nous, la végétation se densifie, et les champs cultivés apparaissent. Nous arrivons à Cochabamba aux alentours de 15h30; la ville est la troisième en population de la Bolivie, et dire qu'elle est étendue est un doux euphémisme: plus de 20 kilomètres séparent les premiers faubourgs du centre de la ville. Nous constatons que la population est beaucoup moins typée que dans le reste du voyage, presque européanisée dans ses vêtements et ses coutumes. Les descendants de colons ont sûrement apprécié ce coin du pays pour son climat tempéré, chaud dès que le soleil sort de sa tanière, presque doux la nuit.
    On trouve un petit hôtel non loin du terminal terrestre, derrière les "alojamientos" pourris de l'avenue principale. La balade dans la ville nocturne nous confirme un rythme de vie agréable, un farniente général loin de l'agitation des Paceños.

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    Vendredi 30 juillet

    La nuit a été profonde, longue, tout ce qu'il faut pour une récupération totale. Une fanfare en pleine débauche d'énergie est juste suffisante pour nous réveiller. Un sumo de naranja, un almuerzo copieux, un après-midi à regarder passer la vie dans le parc de la place centrale, nous nous habituons vite à cette vie de laisser-aller et de repos ensoleillé. L'air traîne un parfum de douceur enivrante, les gens déambulent sans but apparent, dégustent quelques pâtisseries à toute heure de la journée sur des terrasses pleines, le bonheur doit être à l'ordre du jour à longueur d'année dans une ville où rien ne presse ni se presse.
    Un petit café français, il en fallait un, nous sert de refuge alors que le soleil abandonne progressivement les rues de Cochabamba : on se fait de gros plaisirs, chocolats chauds, tartes à la fraise, tarte à l'orange et au chocolat. Et bon dieu que c'est bon ! Ce n'est pas que la cuisine locale nous repousse, loin de là, mais ce n'aurait pas été le bus qui nous contraignait à quitter les lieux, je pense que j'aurais épuisé toutes les voluptés gastronomiques de ce petit café.
    Et bien nous a pris de profiter de ces moments, car la nuit dans le bus pour Sucre démarre sur les chapeaux de roue : musique à bloc, route défoncée, e et chauffeur parti pour ses grandes heures de gloire de conduite ... Aie aie aie tequila !!!

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    Samedi 31 juillet

    Lorsque quelques jours plus tard, de l'avion de retour passant par Cochabamba, nous verrons le chemin emprunté par le bus, zigzaguant entre montagnes abruptes, canyons interminables et vallées sinueuses, et nous comprendrons enfin pourquoi la nuit fut si tourmentée (l'avion ne nous a pris que 20 minutes, contre 10 heures de bus !). Mais finalement, on s'habitue à tout et on a réussi à dormir bien plus que pour le trajet entre Arequipa et Cuzco.
    Arrivés aux alentours de 7h30, nous sommes déposés sur la place "25 de mayo", où nous ne tardons pas à trouver un hôtel très sympa, conglomérat de petites habitations sur 2 étages, le "Charcas", qui a notamment l'avantage de se trouver juste en face du marché. Nous en profitons pour visiter ce dernier, mais les odeurs "fortes" des viandes étalées nous repoussent vite fait, notre estomac éprouvé par la nuit n'étant pas encore prêt à supporter une nouvelle agression.
    Rue de Sucre Nous remontons vers la "plaza principal" de Sucre, qui est rappelons-le, la capitale politique du pays (un peu ce qu'est Washington aux USA). La "Casa de la Libertad" est un musée passionnant, relatant la (courte) vie du pays et de ses (nombreux) malheurs. La guerre du Chaco (1932-1933) a une place prépondérante, où les articles relatent l'inutilité du conflit et sa gestion catastrophique. L'indépendance de la Bolivie (1825) a aussi sa place, gloire posthume du général Simon Bolivar, grand humaniste malheureusement assassiné.
    Mairie de Sucre Nous faisant confirmer par les locaux que les "churrasquerrias" étaient les principaux points de rendez-vous culinaires de la région, nous nous décidons dans l'après-midi pour un almuerzo tardif mais nourrissant. Le reste de la journée s'écoule entre balades, achats des tickets de bus pour les prochains déplacements, repos sur les bancs publics au milieu de la jeunesse "dorée" du centre de la ville.
    Nous finissons la journée au Shangaï, qui malgré son nom, nous propose d'excellentes taillarins al pollo, pour des prix défiant toute concurrence.

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    Dimanche 1er août

    Le nouveau mois s'attaque de bonne heure, le bus partant au marché de Tarabuco partant aux aurores. Au bout de deux heures de route qui arrivent dans un village enclavé dans les montagnes et au milieu de nulle part, nous descendons en même temps que des dizaines de boliviens, arrivant par camions entiers dans un village qui est le point de rassemblement de tous les environs une fois par semaine. Les autochtones en profitent pour vendre leurs produits, acheter les premières nécessités avant de repartir avec leur moyen de transport (âne ou camion) dans les montagnes.
    Le village, même si quelque peu envahis par les touristes chaque dimanche, a profité de sa relative prospérité pour réaménager sa place centrale, autour de laquelle s'articulent de nombreuses petites rues où les échoppes commerçantes se battent pour avoir pignon sur rue. Les principaux produits échangés ou vendus sont la nourriture (pommes de terre, fruits et légumes), les mantas et autres textiles. Nous arrivons au détour d'un porche sur une petite place semblant être le nerf de cette fièvre commerçante : l'endroit regorge de petits étals où les boliviens dégustent un almuerzo riche en protéines et tractations.
    Tarabuco Nous nous mettons à la recherche de quelques cadeaux à distribuer pour notre retour, tapis, tentures, pulls, sacs ... Tout est nettement moins cher qu'au Pérou pour une qualité égale sinon supérieure. Au bout de deux heures d'âpres négociations, nous finissons par trouver notre bonheur avant de rentrer sur Sucre.
    La ville s'endort paisiblement dans cette douce soirée; un attroupement devant un patio intérieur attire notre attention: nous entrons dans un ancien hôtel colonial aux grandes colonnes décorées, au milieu duquel un groupe folklorique capte l'attention de tout le public : il s'agit de "los Masis", groupe phare au Pérou, loin des traditionnels "El condor pasa". Nous restons sous le charme pendant un grand moment, mais la fin du concert retransmis en direct à la télévision nationale réveille nos estomacs.

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    Lundi 02 août

    Potosi se mérite. Le réveil est matinal (5h30), la porte de l'hôtel fermée car les propriétaires ne le sont pas autant que nous, heureusement le taxi se fait large pour nous accueillir (nous + 3 hollandais) car c'était peut-être le seul assez courageux pour rôder à la recherche de clients dans les rues de Sucre pas encore éveillées.
    Trois heures de voyage nous attendent, devant des paysages alternant le vert jaunissant de la pampa au rouge des montagnes rocheuses. Le bus se vide et se remplit, suivant les arrêts improvisés. On arrive au terminal de Potosi ... La carte montre que le centre ville n'est pas si loin, mais les Andes ont quelques particularités : les cartes ne montrent souvent que ce qu'elles veulent bien montrer, on descend rarement en dessous des 4000 mètres (et aujourd'hui on y est bien au dessus), tout pour transformer une petite balade en sac à dos en interminable chemin de croix effectuée pas à pas.
    Le premier residencial d'aspect correct ("Sumaj"), malgré ses "baños" un peu crados, nous servira de point d'ancrage. La journée va être serrée : on se précipite sur la place principale pour réserver des tickets pour la visite des coopératives minières l'après-midi, on engloutit un "pollo al picante", qui comme son nom l'indique, ne nous laisse pas de glace.
    La montagne rouge Après un nouveau contrôle d'identité par un fonctionnaire zélé, on prend en début d'après-midi un minibus qui nous conduit à l'entrée des mines sur l'énorme montagne rouge qui fait face à Potosi. Là, les coopératives associées vendent quelques ustensiles nécessaires à la vie des mineurs et à l'extraction des minerais : feuilles de coca, boissons gazeuses, dynamite. Autant de moins à ponctionner sur leur maigre revenu.
    Les mines Vêtus de casques (attribut plus qu'indispensable, vu le nombre de fois où je me suis fracassé la tête sur une poutre), de blousons, et de lampes (à pétrole), nous nous enfonçons dans un passage de deux mètres de large pour un peu moins en hauteur et qui, au fur et à mesure de notre progression, se rétrécit pour devenir un trou juste assez large et haut pour laisser passer les wagons. Les éboulements ralentissent notre progression, le guide (un ancien mineur) écoute attentivement pour nous avertir du va et vient des wagons chargés de minerais.
    Groupe de mineurs L'air se réchauffe progressivement au fur et à mesure de notre descente, se chargeant de poussières et de gaz (acide sulfurique) de plus en plus difficiles à respirer. On rencontre un groupe de mineurs rassemblés autour d'un tas de minerais, essayant de dissocier les éclats plus denses. Un peu plus loin, un mineur solitaire, ne faisant partie d'aucun groupe, s'affaire à sa tâche, à l'affût du moindre filon dans le fond de son trou. Sa seule source de survie se trouve dans ce qu'il trouvera jour après jour, afin de nourrir sa famille.
    Mineur seul Deux heures après nous sortons, sous un froid glacial, ce qui me vaudra la nuit suivant une forte fièvre. Nous descendons à la ville, en retraversant les siècles : ces mineurs, à notre époque, sont les témoins d'un époque d'exploitation que l'on voudrait révolue. Mais pour les quelques centaines survivants, c'est encore le seul moyen de subsister, au détriment de leur santé, enfermés à partir de l'âge de 12 ans et jusqu'à 50 ans pour les plus résistants.

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    Mardi 03 août

    Le déjeuner copieux est une bonne introduction à la "Casa de la Monedad", immense musée désormais consacré à son ancienne fonction : la fabrication de pièces de monnaies avec les filons d'argent inestimables qui se sont déversés sur Potosi du XVIIème au XVIIIème siècle. Par là transitaient toutes les richesses qui viendront décorer les palais et remplir les banques européennes. Le tout est vraiment intéressant, entre les machines qui séparaient l'argent de la pierre (c'est notamment là que l'on verra les effets désastreux du mercure sur la santé), les machines forgeant lingots et pièces mûes par un système d'engrenage dont les esclaves étaient la matière première.
    Casa de la Monedad Après une balade en ville, riche de nombreux édifices de la faste époque espagnole, nous quittons à regret ce musée vivant d'une part de la culture bolivienne, pour un voyage retour qui a failli bien se faire avec nos sacs mais sans nous. Nous retournons au même hôtel, où nous apprenons qu'une grève générale paralysera tous les transports le lendemain. Lloyd Aero Boliviano nous confirme qu'ils seront eux bien opérationnels, heureusement sinon cela peut repousser notre retour à très loin, et les quatre jours de bus jusqu'à Lima ne nous engagent pas trop ! Un "pollo spieldo" (à la brochette, le poulet se décline ici dans toutes les versions et nous en avons pas loupé beaucoup) plus tard, nous profitons de la douce soirée de Sucre pour flâner au gré des rues.