Chapitre IV

Le lac Titicaca, refuge des dieux

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  • 23 juillet - Cuzco - Puno
  • 24 juillet - Puno - Ile de Taquile
  • 25 juillet - Ile de Taquile - Puno
  • 26 juillet - Puno - Copacabana - La Paz
  • 27 juillet - La Paz
  • 28 juillet - La Paz
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  • Vendredi 23 juillet

    En cette matinée fraîche, nous quittons notre petite maison sur les hauteurs de Cuzco afin de rejoindre le terminal de bus. Une fois tout ce beau monde chargé, animaux compris, le car démarre, sur le coup des 8 heures.
    Les inévitables vendeurs de nourritures, boissons, couvertures envahissent le bus jusqu'aux faubourgs de la ville, le chauffeur faisant un arrêt avant de prendre la direction de l'Altiplano. Le pompon revient aujourd'hui à un vendeur d'une potion miracle, qui, avec un seul sachet de sa plante médicinale, promet de guérir dans le désordre l'intoxication alimentaire, les hémorroïdes, la prostate, les douleurs de règle, le(s) cancer(s) ...
    L'Altiplano Au fur et à mesure que nous rejoignons les hautes vallées de l'Altiplano, le paysage se désertifie, l'ocre cédant la place au jaune des foins, parsemé le long des cours d'eau de couleurs verdoyantes. Le soleil monte progressivement dans le ciel, nous nous cachons derrière les rideaux du car pour éviter ses flèches ardentes. Nuos croisons un village environ toutes les heures de trajet, isolé au milieu des interminables plaines.
    A l'heure du repas, un bouchère ambulante, d'un fort beau gabarit ma foi, entre dans le bus et de ses deux couteaux monstrueux dont elle se sert comme des machettes, découpe des morceaux de viande (gibier ?) pour les voyageurs affamés; malgré l'odeur attirante, nous nous contentons de nos sandwichs ... on n'a pas vraiment envie de tenter de nouveaux problèmes gastriques.
    On traverse Juliaca, qui nous laisse une impression de saleté et de poussière ... je ne pense pas qu'on regrettera de ne n'avoir vu cette ville que du bus ! L'arrivée à Puno nous met l'eau à la bouche : le lac Titicaca s'offre à nous, brillant de tous ses feux. On court poser les affaires au premier hôtel qui nous promet de l'eau chaude (hôtel Nester), et nous voilà en train de descendre sur le port en tricycle afin de trouver un pêcheur qui nous amènera demain sur l'île de Taquile. L'affaire est vite conclue, nous remontons à la ville en pouss-pouss déguster une bonne pizza (quand même) dans un restaurant belge (!).

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    Samedi 24 juillet

    Le départ du bateau pour l'île de Taquile se fait à 8h15. On passe par les îles de Ouros, fabriquées par la main de l'homme à l'aide de bambous et de roseaux. La minuscule île est un vrai magasin de souvenirs, les familles de pêcheurs trouvant ainsi un substantiel complément au maigre produit de leur pêche.
    Les îles Ouros Au fur et à mesure de notre progression sur le lac, l'île grandit, surplombant toutes les autres par sa hauteur et son envergure. Une fois débarqués, le plus dur nous attend : 500 marches de tailles vraiment inégales sont le seul moyen d'accès au sommet de l'île où se trouvent l'entrée du village. A 4000 mètres d'altitude et avec 30 kilos sur le dos (mon sac + celui d'alex), cela peut vraiment devenir un chemin de croix.
    Les villageois nous attendent en haut, et décident chez qui nous allons dormir. Un petit vieux souriant nous mène dans une c abane non loin de la Plaza de Armas, la porte doit faire 1,20 m de hauteur sur 0,60 m de large. Deux lits sont posés sur la terre, les toilettes sont vraiment l'origine de l'appellation. Pas d'eau ni d'électricité dans le village, cela nous promet une soirée courte.
    Bateau de pêcheurs Après un bon et fin "Pejerrey" (poisson local), on se balade sur les chemins annexes au village. Une bonne séance de bronzage complète l'après-midi, même si les nuages de plus en plus pressants nous feront manquer le coucher de soleil; les petites bribes de son dernier récital de la journée nous consolent du froid qui nous envahit aussi rapidement que la mer monte sur les plages normandes.
    Sur le chemin du retour (heureusement que l'on avait pensé à la lampe de poche, car le clair de lune ne nous avertit pas des trous sur les chemins le long des falaises), on s'arrête pour se réchauffer et prendre un maté coca dans une maison éclairée. La maîtresse de maison, très gentille, nous raconte la vie de l'île. La vie, réglée par la pêche et la couture, est un paradis pour toutes les personnes souhaitant se tenir loin de la civilisation et de ses excès. Bonheur se conjugue avec simplicité, et les seuls extras autorisés sont réglés par la manne providentielle des rares touristes venant profiter de ce cadre intemporel.
    On dîne dans un restaurant communal, avec comme seule compagnie 4 familles de péruviens, où nous constatons que les coutumes pour les jeunes hommes et filles non mariés sont on ne peut plus strictes. A 20 heures nous sommes au lit, les poules vivent avec le jour.

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    Dimanche 25 juillet

    Comme les poules, disais-je, nous nous réveillons avec le jour (avant 6 heures). Nous descendons sur la place principale; là, on comprend que le moment pour venir sur l'île ne pouvait être mieux choisi : en effet, une fois l'an et cela durant quinze jours, les Taquiliens organisent une fête afin d'honorer les divinités qui composent leur religion.
    La fête de Taquile Tous, hommes et femmes, portent leurs habits d'apparât, et préparent la fête, décorant les principales bâtisses et portes d'entrée du village. On prend un petit déjeuner sur une petite terrasse ensoleillée, avant d'attaquer une promenade dans le nord de l'île. La cordillère des Andes se lève là-bas au loin, comme émergeant du lac ensommeillé. Les paysages sont magiques, et nous profitons d'un bain de soleil pour graver ces images à jamais dans nos mémoires.
    La cordillère au delà du lac En revenant sur la place du village, nous profitons des danses folkloriques devant un nouveau "pejerrey" avant de quitter définitivement notre eden au milieu du majestueux lac Titicaca. Nous voilà repartis pour 3 heures de bateau pour notre point de départ, Puno. Le vent dans la journée tombante se fait de plus en plus glacial, nous enfilons pulls sur pulls, loin du bon temps pris dans la matinée sur les rives réchauffées de l'île de Taquile.

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    Lundi 26 juillet

    La route pour La Paz longe le bord du lac. Nous sommes accompagnés de nombreux autres routards, c'est même la première fois hormis Cuzco que nous en rencontrons autant, scandinaves et européens du nord pour la plupart. L'arrivée à la frontière bolivienne se fait sans encombre, et à Unguyo nous sommes obligés de descendre du car pour traverser la frontière à pied. Les formalités remplies auprès de douaniers plutôt conciliants devant ce qui semble être le pic de la charge de travail de la journée, nous avons droit à un visa de 30 jours pour la Bolivie.
    Le bus nous embarque et nous emmène jusqu'à l'heure du déjeuner dans ce que les locaux appellent une station balnéaire, Copacabana la bien-nommée. La bourgade, entre rues défoncées et plages abandonnées, n'a que de lointaines ressemblances avec son homonyme brésilienne, et nous fait penser plutôt à une ville abandonnée du far-west après une ruée vers l'or. Une heure de pause pour se restaurer une dernière fois sur les berges du lac Titicaca, et nous voilà repartis dans un nouveau bus de 24 places, pour 50 personnes arrivées par le précédent. Le problème est manifeste, et après une belle engueulade, la majorité montet bien que mal squattant les couloirs ou les genoux du chauffeur. Heureusement, le poste de douane situé en amont de la ville ne cherchera pas à nous arrêter, au grand soulagement du chauffeur.
    Le détroit de Tiquina Nous arrivons au détroit de Tiquina, qui permet à l'aide de bacs de passer sur la rive orientale du lac. Les cars sont embarqués sur une grande barque, nous sur un petit bateau de pêcheur réaménagé en transport public. Le passage est un peu houleux, tout tangue et nos estomacs avec. Nous reprenons la route, nous enfonçant dans la terre bolivienne, très comparable à sa voisine péruvienne, même si la population est apparemment moins démunie; les maisons modestes sont souvent en pierre, quelquefois à étage.
    La Paz On traverse La Paz par son quartier indien "Lo Alto", avant d'arriver au bas de la ville (soit plus de 900 m plus bas), plus riche et plus encombré. On trouve l'hôtel "Latino" juste au dessus de la place Murillo, où se trouvent les parlements, ministères et palais présidentiels.
    Les sacs posés, on prend le chemin du centre, qui malgré la nuit naissante, reste très animé. La ville est toute en montée et en descente, le point le plus bas se situant sur l'avenue principale, les quartiers se situant sur les versants de la montagne qui entoure le centre urbain. Les corps sont fatigués, et la rue Sagarnaga nous offre un havre de poulet-frites nécessaire à la remontée à l'hôtel.

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    Mardi 27 juillet

    Après le déjeuner, la journée va être placée sous le sceau de la culture. Elle commence avec la visite du musée "Costumbrista", qui est un vrai pamphlet contre l'agression chilienne envers la Bolivie. Après la guerre, la nouvelle découpe des frontières boliviennes priva ce pays d'un accès à l'océan Pacifique, l'isolant au milieu des Andes et le privant d'une bonne partie de ses ressources en lui confisquant certains de ses territoires occidentaux riches en minerais précieux. D'où une grosse inimitié entre les deux pays ...
    En redescendant sur le mercado principal, mêlant un véritable trésor de petits artisans et des étals de nourriture suintant sous la chaleur du milieu de journée, nous nous laissons tenter par une "paila con pollo" (bolée de poulet, oeufs, oignons, tomates, ...) et un "lomo saltado".
    Plaza Murillo Nos pas nous mènent naturellement du côté de l'université publique, où quelques graffitis à la gloire du Che perturbent la rigueur militaire et banzérienne de l'ensemble. La visite du musée Tiahuanaco nous rappelle que le territoire des Incas couvrait aussi une grande partie de la Bolivie actuelle, et que les restes de leur civilisation, même s'ils ne sont pas aussi prestigieux que ceux du côté péruvien, valent un large détour.
    L'après-midi se passe, entre l'animation débordante du centre de la ville, et la douceur des couleurs des échoppes artisanales. En passant devant un cinéma, j'ai la grande surprise de voir que l'on diffuse StarWars I, avec presque deux mois d'avance sur la France. Je ne résiste pas à la tentation, et nous voilà embarqués pour la version hispanique de l'épisode, qui, même si j'ai eu du mal à tout suivre, se comprend facilement, largement aidée par de beaux effets spéciaux.
    Nous rentrons, et pour compléter notre soirée "gringo", nous nous arrêtons déguster deux hamburgers finalement pas si mauvais que cela. L'extinction des lumières à 23h sera la première bonne nouvelle de la journée pour nos jambes saturées de montées et descentes.

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    Mercredi 28 juillet

    Malgré les croissants fortement salés, la journée débute bien avec la visite de deux nouveaux musées, celui des Métaux Précieux et de la casa Murillo. Le premier montre l'influence des richesses minières du pays au travers des âges sur la politique intérieure et extérieure, notamment du rôle de Potosi dans le développement de la région.
    Rues de La Paz Après un arrêt à la Casa de los Paceños pour une "Sajta de pollo", un "pollo dorado" accompagnés de "chuños" (pommes déshydratées violettes ... on trouve de multiples variétés de la pomme de terre en Bolivie), elle va prendre un tournant un peu moins plaisant quand, après avoir récupéré les tickets de bus du lendemain pour Cochabamba, nous nous retrouvons entre les compagnies aériennes Iberia et Lloyd Aero Boliviano (LAB) afin de résoudre des problèmes liés au changement d'horaires et de dates de certains vols (heureusement que l'on nous avait dit de confirmer les réservations et si possibles plusieurs fois). Le vol Sucre - La Paz - Lima sera finalement étalé sur deux jours, et partira un jour avant la date prévue.
    Un bon "sumo de naranja" au café "La Paz", rendez-vous des parlementaires en pause de session, quelques cartes postales afin de donner signe de vie, et tout est vite oublié dans les dorures de ce café aux multiples horloges.
    On profite de la nuit pour admirer les couleurs de la capitale économique bolivienne; cette ville est une mosaïque de peinture, mélange de couleurs des mantas des indiens descendus des hauts plateaux, de musiques andines folkloriques, d'architecture espagnole dans ses vielles rues pentues, et de modernisme occidental par les quelques grandes tours abritant les banques les plus prestigieuses. Le tout est un vivier en perpétuel éveil, au pied des majestueux sommets qui l'entoure.