C'est Angkor loin ? Siem Reap, Cambodge

25/12/2013

Un jour de bateau à moteur, au travers des villages flottants du lac de Tonlé Sap, pour rejoindre Battambang à Siem Reap. Magnifiques paysages lacustres. Le meilleur moyen aussi de troubler la quiétude des lieux et d'assister à l'envol de vols d'oiseaux apeurés, de faire fuir tous les poissons qui auraient pu finir dans les nasses des pêcheurs, d'assister aux ablutions matinales de mamie, qui profitait d'un moment d'intimité sur le bord de sa cabane sur pilotis pour soulager ses entrailles dans l'eau stagnante, de faire chavirer et d'assister à la noyade de ses fils pêcheurs, qui étaient installés à la proue de leur navire dans un fragile équilibre afin de lancer leurs filets rapiécés. Quand tu sais que ce qu'on a payé pour le bateau est suffisant pour faire vivre une famille vivant sur le lac pendant un mois, à leur place je ramasserai les mines laissées par Pol Pot dans la région, j'y attacherai des bouées, et j'en parsèmerai le lac, histoire de refroidir les ardeurs touristiques à moteur.

Nous voilà aux portes d'Angkor, la cité perdue, devant laquelle tant d'explorateurs français se sont pâmés au XIXème siècle, cette magnifique et mystique capitale de l'ancien empire khmer. Il faut dire qu'à son apogée, au XIème siècle, quand Londres comptait 50000 habitants, Angkor en abritait 1 million ! Je prends mon bob Indiana Jones, Berga mets son petit short Lara Croft, on enfourche nos vélos pour un raid grandeur nature. Objectif : ratisser les centaines de kilomètres carré de jungle, pour en débusquer les plus belles pierres. Sur un rythme soutenu, car 3 jours y suffiront à peine.

Jour 1 : Direction Prasat Kravan, où il y a longtemps un nain a demandé à un démon un lopin de terre qu'il pourrait parcourir en 3 enjambées. Le démon a accepté, le nain s'est transformé en géant, et a arpenté l'univers en trois foulées. Malin le nain. On immortalise le bas-relief du temple sur la pellicule, on slalomme entre les gamins qui veulent nous vendre 10 cartes postales pour 1 dollar, et on se remet en selle pour l'étape suivante. Deux coups de pédale, on déboule sur Ta Prohm. On se fraye un passage dans la végétation, les arbres enserrent les édifices dans leurs racines, on manque déraper sur le lichen et les mousses qui tapissent les dalles, on évite les blocs de pierre qui se balancent au dessus de nos têtes. On finit par sortir indemne du temple perdu, et le temps de remonter sur nos machines infernales, on file jusqu'à Takeo, le temple pyramide dédié à Shiva. On passe entre les huit bras de la déesse destructrice, mais pas entre les deux bras de la cuisinière qui veillait sur nos vélos, son fumet au poulet ananas doit y être pour quelque chose. On fait le plein de gaz, on renfourche et on déboule comme des balles dans Preah Khan, l'ancienne discothèque de la capitale, où 18 fois l'année se pressaient 515 dieux et des milliers de fidèles, pour des fêtes religieuses sûrement débridées. Il faut encore slalommer entre les marécages du lac du Baray, pousser fort sur les pédales et soulever la poussière rouge de la piste, grimper comme un singe sur le temple de Pre Rup pour enfin assister au coucher du disque orangé du soleil. A la minute près.

Jour 2 : j'ai convaincu ma coéquipière que pour ramasser la balise suivante, il fallait tracer droit dans la jungle et les rizières sur 37 kilomètres, lui promettant que le détour en valait la chandelle. On zigzague entre les vaches et les singes, la route est bien marquée et on se relaie en file indienne, l'un profitant de l'aspiration du vélo de l'autre. Au bout de la ligne droite, Banteay Srei, la citadelle des femmes, aux sculptures si finement travaillées. On regarde dans les douves pleines s'il reste des traces des baignades des naïades, pas de bikini en vue ou alors bouffé par les crocos. Petit coup de mou avec la chaleur de la mi-journée, où on se demande quel est le but de tout ça, courir entre des pierres pour prendre la meilleure photo, clichés pris en même temps par des milliers d'autres personnes, essayer de comprendre une civilisation qui s'est éteinte il y a des siècles, et dont aujourd'hui les historiens ne comprennent toujours pas grand chose, hormis la dévotion aux divinités hindoues et bouddhistes, et la folie de la construction qui en est résultée. On se taille deux ananas, on déguste notre ration de riz quotidienne. et sur la route du retour on roule à toute berzingue pour rattraper le soleil qui descend. Peine perdue, il s'est échappé, même du haut du temple du Mebon Oriental, il ne laisse qu'une trace rouge dans les nuages.

Jour 3 : la cerise sur le gâteau, la queue de Mickey, les fesses de Minnie, le pompon du Père Noël, tout à la fois. Aujourd'hui, que du lourd en terme de pierres. D'abord Angkor Vat, temple symbole de la dévotion de l'homme aux divinités. Comme une chasse au trésor, on essaie de débusquer dans le kilomètre de bas-relief qui entoure le site les plus fameuses scènes des batailles entre les Dieux et les Démons. Encore une époque où les hommes partaient en guerre sous le commandement d'illuminés, pour une cause manichéenne, faite d'orgueil et de cupidité. Berga a l'oeil souple et alerte, c'est presque le sans-faute pour retrouver les chefs d'oeuvre gravés dans la pierre. Pour ma part j'essaie de trouver une voie pour monter en haut des 55 mètres du temple central, une démangeaison sûrement dûe à la frustration de ne pas avoir vu l'ombre de quelque chose à escalader depuis 1500 km ; mais pas possible, tous les accès sont barrés pour maintenance, et il y a toujours l'oeil d'un garde qui traîne pour décourager les aventuriers du dimanche. Alors direction le Bayon, ce temple au 50 et quelques tours, et ses multitudes de visages gravés dans la pierre, sans un coin pour être tranquille sans avoir deux yeux inquisiteurs et ce même sourire en oblique qui vous reluquent. Il paraît que c'est un des rois les plus fameux d'Angkor qui a fait construire le lieu. Un sacré pervers omnipotent. On ne s'attarde pas sous les yeux de Big Brother, avec Berga on relance les machines, on transpire entre les grappes de touristes, on snobe la queue des promenades à dos d'éléphant, pour débouler au sommet du point de vue sous lequel l'immensité d'Angkor se dévoile.
Moment de pause, on embrasse ce fascinant territoire du regard ... le soleil descend une dernière fois sur les ruines de l'ancienne capitale, nous on monte sur la selle, direction la ville de Siem Reap à toute allure, pour le repas de Noël, qui nous attend juste derrière la ligne d'arrivée. Pas de champagne ni de chocolat, ni de gros cadeau sous le sapin. Mais on s'en fout un peu à vrai dire. En fait Noël, c'est tous les jours depuis des mois, chaque nouvelle aube apportant son présent fait de surprise, de découverte et d'enchantement.

Jéjé

Pris sur le vif

Déjà parcouru

     1186 km      17053 km
     168 km      232 km
     6342 m (6)


Où sommes nous ?


Date : 13/08/2014
Lieu : Saugnac et Cambran, France
Déplacement : Repos
Direction :

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