Grain de sel San Pedro de Atacama, Chili

05/04/2014

C'est Berga qui me réveille : "Tu trouves pas que ça bouge ? Qu'est-ce qu'ils font au dessus ?". Aaannnn-aaaaah-ah ! J'ai la tête embrumée, je perçois qu'il y a un truc illogique, mais c'est trop loin dans les limbes de mon cerveau, je n'arrive pas à mettre le neurone dessus.
En attendant je ressens une sensation assez agréable, celle d'être allongé sur un matelas à eau, agité par une petite houle régulière de marée montante. Mais bon, à y penser maintenant que je suis réveillé, il y a quand même un truc qui me chiffonne : comment les gens du dessus pourraient faire bouger notre lit ? Et puis il n'y a pas de dessus ! La maison est sur un seul niveau, on n'a qu'une tôle au dessus de la tête.
Plus prompte, Berga enchaîne : "En fait je crois que le sol tremble !". Ca, ça me paraît de suite plus cohérent. Tous dehors ! Je saute dans mon pantalon, j'en arrache presque les jambes, et en moins de deux on est dans le petit patio de l'auberge. La vibration est en train de s'atténuer, pour s'arrêter quelques secondes plus tard. On se regarde avec les autres pensionnaires. En plein Atacama, ce désert du nord du Chili, on vient d'éprouver une réplique du violent tremblement de terre d'il y a deux jours, magnitude 8,2, 500 km plus au nord. Cette fois-ci, l'épicentre n'est qu'à 400 km, pour une magnitude de 7,6. Il y aura peu de dégâts, le nord du pays étant en alerte maximale depuis quelques jours et le précédent tremblement de terre. La crainte ici est celle d'un "Big One", un tremblement de magnitude 9 qui serait sûrement suivi d'un tsunami géant sur toute la côte pacifique de l'Amérique du Sud. Quelques jours plus tard, on aura le récit de 2 français se trouvant à Iquique en bord de mer, à l'épicentre du premier tremblement : ils nous décriront la violence des chocs et la panique de la population, qui entre cris et pleurs, s'est mise à courir vers l'intérieur des terres, dans la crainte qu'un tsunami ne suive le mouvement des plaques tectoniques. Et aussi la nuit passée sur les hauteurs, entre sirènes, incendies, froid et stress.
Ici, sur les lacs salés de l'Atacama, les dégâts seraient aussi importants, mais atténués par une particularité du lieu : le village de San Pedro est construit sur une croûte de sel, sous laquelle une énorme réserve d'eau amortit les chocs des tremblements de terre. D'où la sensation de houle agréable, au lieu de secousses violentes et incontrôlées habituelles. On peut se recoucher, le bateau tanguera sûrement encore, les murs de torchis qui nous entourent se fisseront probablement, et même demain on aura peut être un lit avec vue sur le pur ciel chilien et ses magnifiques étoiles.

Pour résumer nos derniers jours, au moins ceux qui nous ont amené ici. On a terminé notre remontée le long de la côte Atlantique, en utilisant le bus pour les derniers kilomètres ... et on a ainsi évité de rentrer avec nos vélos dans la mégapole de Buenos Aires. On a trouvé un jeune couple de cyclos argentins à qui confier nos vélos, on en a profité pour déguster un dernier asado de viande locale, arrosé de fernet-coca, on a récupéré nos affaires de montagne, trois gros sacs remplis de matériel pour la haute altitude, on les a transbahuté jusqu'au terminal de bus, ce qui nous a fait passer pour des sherpas perdus dans les rues de la capitale argentine, transpirant sous la charge et à la recherche d'un air meilleur. En fin d'après-midi on a sauté dans le premier bus en direction du Nord et la ville de Salta, 20 heures installés dans des sièges de cuir inclinables et ravitaillés toutes les 3 heures en sandwich jamon-queso et en whisky ; on a visité la ville de Salta dans la chaleur de la journée suivante, on a enchaîné une seconde nuit dans un bus pour passer la frontière chilo-argentine à 3800m d'altitude, on a montré nos passeports aux douaniers des deux pays, cela nous a valu un petit interrogatoire sur la raison de nos nombreux visas des deux pays ; le bus a passé un dernier col à 4800m ce qui nous a un peu coupé le souffle avant de descendre sur le désert de l'Atacama et son salar blanc.

Nous voilà à l'aube de la seconde partie de notre périple sud-américain. Les vélos sont au repos, les sac à dos trop lourds, les montagnes belles et blanches on espère. On va gagner de l'altitude. Si San Pedro de Atacama à 2300 mètres d'altitude nous sert d'étape sur le chemin de notre acclimatation, nous allons suivre les chemins de la Cordillère Andine pour goûter à l'air sec de l'altiplano. Cordillère Blanche, Huayhuash, Royale ... Des noms pour l'instant à l'état de murmures de rêves.

Berga & Jéjé

Pris sur le vif

Déjà parcouru

     1186 km      17053 km
     168 km      232 km
     6342 m (6)


Où sommes nous ?


Date : 13/08/2014
Lieu : Saugnac et Cambran, France
Déplacement : Repos
Direction :

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