Un dernier pour la route Parinacota, Bolivie

22/05/2014

Sur la route du volcan Parinacota, on rencontre Eva. Eva débarque de las Ramblas, elle en a gardé un cheveu coincé entre deux dents et qui lui chatouille la langue à chaque fois qu'elle ouvre la bouche, plutôt souvent d'ailleurs. Une vraie catalane espagnole, au verbe et à l'oeil haut. Le plus surprenant dans Eva, c'est celui qui l'accompagne : Roman, un suisse germanophone, qui fait autant d'ombre sur le désert de l'altiplano qu'un cactus déraciné. On comprend entre deux onomatopées baragouinées dans un mélange de mauvais anglais-espagnol-français que son métier c'est guide, enfin on le verrait plutôt en promeneur écervelé qui revient d'un week-end passé en montagne à compter les papillons et à semer des petits cailloux pour retrouver son point de départ. Il faut dire qu'avec la tornade qu'il se trimballe à l'autre bout de la corde, il a plutôt intérêt à faire l'économie de tout, surtout de sa salive.

Un peu en retrait dans le tableau, dans un recoin sombre, il y a le Brésilien Jairo, qui accompagné de son guide Marco, fait un tour à marche forcée des sommets boliviens. Jairo, il a un peu la tête du brésilien que l'on imaginerait si le 13 juillet 2014 l'un de ses compatriotes ne soulève pas la Coupe du Monde de football. A moins que cela ne soit celle d'un futur prêtre qui aurait raté pour la troisième fois son entrée au séminaire, et qui serait en train de se demander si Dieu existe vraiment. Pas franchement un gai luron le Jairo, moi qui croyais que tous les brésiliens passaient leur temps à danser la samba ou à taper le ballon, un mythe est tombé.

Puis il y a les péruviens du club andino de Lima, mené par leur géant chauve. Un géant chauve qui porte la passion de la montagne au bout de ses cheveux, organisant régulièrement pour son club des semaines de vacances dans les cordillères andines. Il a les yeux qui pétillent quand il compte et recompte les membres de son club, "bientôt plusieurs centaines" qu'il dit. Un joyeux groupe, plutôt jeune quand on compare aux réunions de l'hospice du Club Alpin Français, toujours enthousiaste à l'idée de fouler de nouvelles montagnes.

Et en maître de cérémonie, il y a le patron Eliseo, propriétaire de ce que l'on peut appeler l'auberge du village de Sajama, en considérant que ce que proposent toutes les mamies boliviennes des alentours n'est souvent qu'une chambre ouverte à tous les vents, où certes on peut admirer les étoiles au travers des tôles du toit, mais aussi où on est sûr que si on n'a pas apporté son sac de couchage hivernal, on passera la nuit à regretter de ne pas partager l'enclos avec les lamas et la chaleur de leurs poils. Eliseo a tout ce dont on a besoin dans le village, des cabanes isolées donc, un 4*4 pour nous amener au plus près des volcans voisins, et un sens aiguisé du commerce sous son aspect débonnaire. De quoi susciter sûrement quelques jalousies tenaces dans le village, quand on imagine la différence entre le tas de bolivianos (la monnaie d'ici) qu'il manipule tous les jours et la portion congrue qu'il laisse aux voisines épicières.

(...) Donc il y a un mois jour pour jour, on était de l'autre côté de la frontière, au Chili, dans le parc national du Lauca. En train de se balader au pied des deux jumeaux, les volcans Parinacota et Pomerape. J'étais tombée sous le charme de ce cône parfait et j'avais insisté auprès de Jéjé, "s'il y a un volcan que je veux faire, c'est bien celui là!".

Cette nuit donc, alors qu'Eliseo nous a déposé en 4*4 au début de l'ascension, c'est moins évident, car à peine commencée je me sens déjà très fatiguée. Le vent, le froid, les zigzag dans les pierres et le dénivelé me mettent de mauvais poil. Eva et Roman, partis avec nous, sont loin derrière, on est seul sur la face nord du volcan. Après deux heures de grimpe on rejoint une partie des péruviens parti 1h45 plus tôt. On chausse les crampons et je repars de plus belle, réchauffée par l'aurore. Cette fois-ci, j'ai la niaque, je sais que je vais aller au bout, on avance vite, assez pour se rapprocher de l'échappée des 4 (qui inclue 2 péruviens, Jairo et son guide) et j'ai même l'audace d'imaginer que je vais être la première fille au sommet des 6342 mètres ! C'était sans compter la présence d'une ultra traileuse péruvienne qui ne souhaitait laisser la première place à personne d'autre !!! Le cratère du Parinacota est magnifique, profond, majestueux ; la vue sur le Sajama imprenable. Je suis contente d'être là, mais j'ai aussi la certitude d'être allée au bout de ce que je pouvais faire pour le moment. C'était un petit dernier, juste pour la route ... Avec la fatigue accumulée sur les trekkings et les autres sommets, sans compter les conditions climatiques parfois dures que l'on a rencontrées, j'ai maintenant besoin de repos.

Berga & Jéjé

Pris sur le vif

Déjà parcouru

     1186 km      17053 km
     168 km      232 km
     6342 m (6)


Où sommes nous ?


Date : 13/08/2014
Lieu : Saugnac et Cambran, France
Déplacement : Repos
Direction :

Sur la carte ...

Votre dernier message

, le 08/09/2023


Tous les messages