Noticias do Mundial (5) - 3 drames et 1 (petit) réconfort Prudentopolis, Brésil

13/07/2014

Drame - acte 1
Mardi : Brésil 1 - Allemagne 7
Fan Fiest de la FIFA, Curitiba, Brésil. Il y a foule ce soir. Dans une clairière, un immense écran, et 12000 personnes pour assister à la demi-finale Brésil-Allemagne. Nos hôtes Jessica et Rafael nous aiguillent dans la masse pour assister au spectacle en bonne position. Entrée des équipes, les groupes de musique se taisent, l'hymne brésilien démarre, doucement comme d'habitude, pour enfler et éclater dans un concert de trompettes et de hurlements. Même les bêtes de la forêt voisine ont participé au cri de ralliement. Pour se serrer les coudes et pour s'encourager, une nation et sa nature unies face à l'ogre allemand. Cela ne sera pas de trop. Trois minutes, c'est le temps où le Brésil pose le pied sur le ballon, avant que la tendance ne se retourne et que Berga ne me souffle à l'oreille : "Ils (les Brésiliens) vont prendre un but". Bingo, Muller se joue de la naïveté de la défense des Auriverdes, mettant en évidence ce qu'un peuple murmurait depuis des jours. Cet équipe du Brésil n'est pas au niveau, et s'effondre sous les yeux d'un peuple totalement ahuri. Au bout de 30 minutes de jeu et 5 buts encaissés, il y a déjà quelques milliers de personnes qui ont quitté la clairière, autant qui ont versé de nombreuses larmes en silence, des dizaines qui ont laissé éclater leur colère en balançant des tables et des chaises. La suite, un punk nous la prédira alors que nous aussi on reflue vers la sortie devant la colère et l'agitation grandissante : "Ils vont en prendre 7 et en marquer 1". Le lendemain, une professeur de collège nous résume le traumatisme : elle va passer sa journée à répéter à ses élèves que cette défaite n'est pas la fin du pays ni du monde, à expliquer que la vie n'est pas uniquement le football, et qu'il faut en profiter pour mieux savoir rebondir. Elle nous racontera qu'un pays si jeune, n'ayant connu ni les guerres ni de grandes découvertes, reporte son besoin d'unité et de foi en l'avenir dans la réussite de son équipe nationale : chaque échec est vécu comme un drame personnel.

Drame - acte 2
Mercredi : Argentine 0 - Hollande 0 (4-2 aux tab)
Maison de Guilherme, Curitiba, Brésil. Guilherme a décidé de sortir les grands moyens pour essayer d'oublier la morosité ambiante peinte sur les murs de la ville, les écrans de télévision et le visage des gens. On visite le marché central des produits bios, Berga est aux anges, elle joue aux devinettes sur les fruits des étals, certains viennent du fond de l'Amazonie, pas facile car on n'en connaissait ni la forme ni la couleur. On finit la visite par une dégustation d'une succulente feijoada, cette sauce d'haricots noirs et de porc fondant sous la langue, sur un lit de riz et de salade. Guilherme n'en a pas fini avec les réjouissances: il récupère quelques litres de la bière artisanale qu'il fabrique dans son laboratoire, la fermentation du houblon est l'un de ses passe-temps favori. On avale donc ça à grands coups de choppes, arrosé de quelque culs secs de Cachaça, la liqueur locale. Ca y est, on commence à bien chauffer, prêt à rentrer à la maison pour assister à la seconde demi-finale. Guilherme pose d'entrée ses restrictions : interdit de supporter l'Argentine chez lui, il n'est pas question que le voisin orgueilleux passe en finale alors que le pays hôte s'est fait recalé en demi-finale. Mais nous on les aime bien ces petits argentins, pas forcément très organisés, mais accrocheurs, bravaches, engagés, supportés par un peuple caliente ... et puis on a reporté notre affection diluée dans un 1/4 de finale perdu contre la Manschafft sur l'équipe de Messi. Guilherme a l'air d'en faire un casus belli, et puis il exprime l'avis unanime d'un peuple brésilien en deuil, on lui promet donc de ne pas trop sauter au plafond si Messi fait des siennes. On n'en aura pas l'occasion, dans un bon vieux match cadenassé, où les Oranges essaient sans succès de faire sauter le verrou argentin, et où les banderilles des gauchos n'arrivent pas à faire mouche. Dans la peur d'une victoire argentine aux pénaltys, Guilherme ne laisse pas nos verres se désemplir. Bien burrachos, on voit sur l'écran de télé tout flou une vague bleue et blanche submerger la pelouse, l'Argentine est en finale. Il était écrit que le Brésil boirait le calice jusqu'à la lie. Nous, on part au lit.

Drame - acte 3
Samedi : Brésil 0 - Hollande 3
Recanto de Theodorino, Prudentopolis, Brésil. Depuis Curitiba, on a quitté la côte brésilienne pour s'enfoncer au coeur des terres, direction Iguazu et ses chutes. Petit changement d'ambiance, car on traverse des fazendas immenses souvent colonisées entre la fin du XIXè et le début du XXè siècle. Avant-hier on a par exemple posé notre tente dans un village Mennonite, ce groupe religieux protestant proche de celui des Amish. Bien traditionnel, mais pas trop nous dit en souriant le conservateur du musée qui nous accueille chez lui. Car ici, "On ne refuse pas le progrès, on a même de l'électricité , et on peut accepter les mariages mixtes" (sous-titré, avec des membres qui ne font pas partie de la communauté). Au final, il faut croire que nous faisons preuve de moins d'ouverture d'esprit qu'eux : deux prières, celle du dîner et du petit-déjeuner, des interventions à table du patriarche qui tiennent plus lieu du sermon, la tradition perceptible dans chaque moment partagé en famille, suffisent à nous faire quitter rapidement cette enclave intemporelle, pour rejoindre un autre lieu plus ouvert, la ville de Prudentopolis. Construite il y a plus de 100 ans par des Ukrainiens, on sent bien le gène slave ici, en croisant des blondes naturelles aux jambes interminables. Comme partout ailleurs, on a perdu un peu la ferveur depuis la déculottée prise face aux boches. Là où on se voyait déjà ajouter une 6ème étoile de champion du monde sur le maillot auriverde, on va être obligé de batailler 90 minutes pour sauver l'honneur. Chez Theodorino, ce gentil monsieur qui nous a pris à la bonne et nous a permis d'installer sa tente autour de ses étangs, il y a du monde ce samedi après-midi, des capsules de bière qui sautent, des tranches de boeuf qui sentent le charbon, et surtout un grand écran plat installé sous abri. Mais à croire que les brésiliens n'en ont pas assez encaissé, car en quelques minutes, ce sont les mêmes insuffisances défensives et une force orange trop contente de profiter des errements de gars hors sujet qui provoquent un nouvel abattement chez les spectateurs. Le sélectionneur Filipo aura beau s'expliquer à la télé, on le déclare bon pour la fourrière, et on y envoie aussi par avance la présidente du pays, Dima Rousseff, à qui on jure une réélection compliquée.

Et pour finir, le (petit) réconfort
Dimanche : Allemagne 1 - Argentine 0
Recanto de Theodorino, Prudentopolis, Brésil. Theodorino nous a défini le programme de notre journée : "Avec un coup de vélo allez admirer les chutes du Barao de Rio Branco, vous déjeunez là-bas, puis vous revenez en début d'aprèm pour une douche, et à 16h vous vous installez au bar pour assister à la finale de la Coupe du Monde. Et que l'Allemagne gagne". A 16h, on est donc installé sous l'oeil compatissant de notre hôte, qui nous régale d'un grand plat de frites saupoudré de lardons et de fromage, et d'une assiette de poisson frit avec quelques morceaux de citron. D'entrée on pose les barrières : Berga est à fond pour l'Argentine, moi je change ma chemise en mettant opportunément mes billes côté allemand. La suite, c'est la disparition des tours de magie du petit lutin argentin, et l'organisation redoutable du bloc germanique qui finit par éteindre les espoirs insensés de tout un peuple de gauchos. Il est 18h15 ici, les Brésiliens éteignent la télé, en se disant qu'ils n'auront pas 4 ans à vivre à écouter les sarcasmes de leur voisin bouillant, nous on finit nos bières Skol, la France n'est pas non plus championne du monde, on a laissé ça à notre meilleur ennemi qui une nouvelle fois nous laisse admiratifs et un poil revanchards. On dira plus tard qu'on était là pour apprendre.

Jéjé

Pris sur le vif

Déjà parcouru

     1186 km      17053 km
     168 km      232 km
     6342 m (6)


Où sommes nous ?


Date : 13/08/2014
Lieu : Saugnac et Cambran, France
Déplacement : Repos
Direction :

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