Surclassés Luoyang, Henan, Chine

06/08/2013

Je suis en train de compter les puces sauter sur les draps blancs du lit quand j'entends tambouriner à la porte de la chambre. Il est 16h, on a débarqué à Jiyuan il y a 2 heures environ sous une chaleur écrasante, 36 degrés au dernier thermomètre croisé, après 73km de vélo. On a posé nos vélos et nos bagages dans le premier hôtel climatisé qui se présentait, "vraiment pas le grand luxe mais pas cher" quand j'ai fait le rapport d'inspection à Berga. Je me lève, saute dans mes claquettes pour éviter de marcher pieds nus sur la moquette de notre taudis, car Berga m'a bien confirmé en rentrant dans notre repaire du soir que "ici c'est vraiment limite côté propreté, voir le pire qu'on a fait jusqu'à maintenant" ... mais sûrement pas assez vite car la porte tremble à nouveau sous un poing déterminé. "I'm coming !" je dis assez fort, pas assez fort car de nouveau la serrure manque de sauter. Je tourne la poignée avec un air circonspect, trois policiers en uniforme et la patronne de l'hôtel me font face. Le plus gradé des fonctionnaires me demande dans un anglais correct de payer la chambre. Petite moue de surprise. "Pas de problème" je lui dis, je plonge mes doigts dans mon porte-monnaie et je tends dans la foulée les 60 Yuans (8 euros) à la patronne.

Bizarre tout de même, toute cette agitation pour quelques billets qui n'avaient pas eu le temps de trouver la bonne poche. La patronne a d'ailleurs l'air gêné en recevant son dû. Le téléphone du flic se met à sonner, au bout du fil les instructions tombent. Il raccroche, se retourne vers moi, et me dit dans un anglais un peu plus hésitant que nous devons changer d'hôtel, pour quelque chose de "mieux". "I'm sorry" il rajoute. "Mieux" ? Il y a quelques années, les touristes étrangers étaient cantonnés dans chaque ville à des hôtels de luxe, cela permettait aux autorités de canaliser le flux et les dollars, et de s'assurer que les étrangers ne se mélangeaient pas aux touristes locaux : je croyais qu'aujourd'hui la pratique était disparue. Apparemment non. Nous descendons de l'hôtel avec nos bagages, la patronne est sur nos talons, et au vu de son agitation et de sa manière ininterrompue de parler et de se justifier, on la sent confuse et très gênée par la situation. Elle est normalement obligée de signaler la présence d'étrangers dans son hôtel. S'est-elle fait dénoncer car elle tardait à le faire ? En demandant l'aide de la police, la situation lui a-t-elle échappé ? C'est donc un convoi de 2 pickups, 6 policiers, et 2 touristes, qui remontent l'allée principale de la ville, nos deux vélos étant quand eux chevauchés par deux policiers "sportifs" qui nous suivent à bonne distance.

En arrivant devant le nouvel hôtel, je vois bien que le luxe de l'établissement risque de ne pas être en phase avec le poids de notre porte-monnaie. En guise de préambule, j'avertis le policier bilingue que notre budget est limité. Il me répond "ok" d'un air assez détaché, de toute façon pour obtenir un visa chinois nous avons dû montrer patte blanche et compte bancaire (il faut être en capacité de dépenser environ 80 euros par jour pour assurer notre subsistance dans le pays). Dans les faits nous en dépensons 4 fois moins. Les réceptionnistes me confirment l'impression laissée par le gigantesque hall marbré : 388 Yuans la nuit (50 euros), presque 4 fois le prix moyen que nous payons d'habitude pour une chambre correcte. Rien d'affolant, mais nous sommes bourrés de principes :o). S'engage une longue séance de pourparlers, où j'essaie de faire descendre le prix, en sollicitant alternativement la réceptionniste et le flic, tout en restant dans les limites du raisonnable et du courtois, car leur faire perdre la face durant la négociation équivaudrait à un blocage certain ... mes arguments tournent autour "même si nous avons suivi monsieur le représentant des forces de l'ordre sans aucune difficulté, ce n'est pas notre choix d'être ici" (sous-entendu : faites un effort, car on a montré qu'on était pas des gens chiants) - "nous voyageons depuis 1 mois en Chine et c'est la première fois que nous voyons ça" (sous-entendu : ne nous laissez pas l'impression que les habitants de Jiyuan sont les moins accueillants de la Chine) - "mais nous comprenons vos obligations" (sous-entendu : on peut être obligé de suivre les règles débiles d'un régime, mais on peut se comporter entre nous en gens intelligents) - "votre chambre est très belle, vaut son prix, mais nous n'avons absolument pas les moyens de payer cela, notamment quand on voyage longtemps" (sous-entendu : pôvres voyageurs que nous sommes).

Et comme d'habitude ici, tout se termine par une séance photos avec les protagonistes de l'affaire de ce samedi après-midi, qui a mobilisé une bonne quinzaine de personnes tout de même, une poignée de main avec notre nouvel ami policier, où je m'amuse à lui broyer les doigts pour exprimer ma reconnaissance souriante pour sa "pression" amicale finale sur la chef des réceptionnistes de l'hôtel afin d'accéder à notre requête, un prix à 130 yuans pour une chambre de luxe et sans puces, incluant au grand bonheur de Berga un petit déjeuner le lendemain matin qui vaudra à lui tout seul les billets laissés. Un après-midi typiquement chinois, qui nous démontre une fois de plus toute la sollicitude de nos hôtes qui tenaient à nous offrir ce qu'ils avaient de mieux.

Jéjé

Pris sur le vif

Déjà parcouru

     1186 km      17053 km
     168 km      232 km
     6342 m (6)


Où sommes nous ?


Date : 13/08/2014
Lieu : Saugnac et Cambran, France
Déplacement : Repos
Direction :

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