Feria de pampa Puerto Tranquillo, Chili

26/02/2014

Midi. Soleil toujours dans une courbe ascendante. Carretera Australe, km 670. A la mano derecha, un petit chemin de terre, qui au travers des caillasses, monte à flanc de colline. Du sommet de la butte, la vue se dégage. Au premier plan, la Pampa, verte et rase. Au fond, les Andes, bleutées et enneigées. Au dessous de nous, camouflé dans un bosquet, on distingue un petit village. Sûrement Valle Simpson, le pueblo que l'office de tourisme de Coihaique nous avait indiqué.

On descend avec précaution au milieu des pierres, nos VTT surchargés se maniant aussi bien qu'un cheval patagon sans mors. On est venu se paumer ici pour profiter de la "Feria de los costumbristas", une fête traditionnelle organisée par les locaux pour perpétuer l'esprit du gaucho. En arrivant dans le patelin, il n'y a que rues désertes ; aucune indication nous permet de deviner où se déroule l'évènement. Un habitant montre le bout de ses bottes en cuir. On lui saute dessus comme un cow-boy sur sa dernière vache. En le prenant aux cornes on finit par lui arracher quelques vagues explications. Il y aurait bien quelque chose d'organisé en dehors du village, si on suit la route vers l'ouest, on traverse un pont, on suit un chemin en travaux, on évite une carrière, on prend la branche gauche d'un Y, on tourne à gauche au croisement suivant, et on pousse la seconde barrière, toujours sur la gauche. Voilà un pays libre, un pays sans pancarte. On suit les indications, on redemande notre route aux ouvriers du chemin en travaux, ils nous confirment qu'on brûle, même si l'environnement n'a pas changé d'un iota.

Effectivement, là en pleine pampa, sous les assauts du vent, on est accueilli chaleureusement (poignée de main et bise pour Berga, poignée de main et tape de l'épaule pour Jéjé) par un vieux papi chilien tout souriant, qui se demande comment on a pu s'égarer là. On lui dit qu'on a fait 2000 km à vélo pour trouver sa feria, tout le monde rigole, et il nous ouvre la barrière. Au bout du sentier, les stands de nourriture ou d'objets artisanaux sont en train d'être montés sur un côté, au centre trônent une petite estrade et un orchestre, de l'autre côté est aménagé un grand parking de 3 hectares, où on gare nos vélos entre cinq chevaux, trois pick-ups et deux camionnettes.

Jéjé regrette ne pas avoir amené un béret basque, il n'aurait pas dépareillé au milieu des "hombres". Peu d'affluence encore, principalement des familles, toutes générations confondues. La mamie qui boit un soda, la maman qui commande des empenadas, le fiston qui s'empiffre avec une tarte à la framboise, la fille ado qui aide à faire cuire les asados, l'homme qui joue à la pétanque locale. Drôle de jeu d'ailleurs. Un couloir de 6 mètres, bordés par des barrières, deux traits délimitant le terrain à chaque extrémité. Ce qui fait office de boule ou palet, c'est un os (de vache ?), enserré entre deux plaques de métal, une argentée, une dorée. Suivant l'endroit et la face où tombe le "palet", un gagnant qui reçoit 500 pesos (moins d'un euro) d'un perdant, qui joue à son tour, de l'autre côté du couloir. Et les équipes tournent régulièrement, comme l'argent change de main.

Pendant ce temps-là, les quartiers de viande cuisent sur le brasiers, mais pas assez vite à notre goût. On va à une baraque commander un completo (sandwich-saucisse-tomate-avocat) pour Berga, une patata rellena (patate fourrée à la viande-oignons-fromage) pour Jéjé, des frites et une bière Escudo pour tout le monde. Comme d'autres familles on trouve abri derrière un 4*4 pour manger les frites avant qu'elles ne s'envolent dans le vent, il fait bon de prendre le soleil là, allongés sur l'herbe sèche et presque abrités. Enfin, on a sorti la bâche entre l'herbe et nous, car trouver un coin d'herbe sans une merde de vache ou de cheval, cela semble impossible à 10 kilomètres à la ronde. C'est tranquille une petite feria de pampa, pas de baffle déversant de la techno, pas de mecs qui te pissent sur les pieds, pas de viande saoûle se roulant par terre au milieu de l'après-midi. A l'image de ce peuple chilien, posé, serein, presque introverti on dirait. Content d'être là parmi les siens, mais sans aucune joie excessive. La vie s'écoule, doucement.

Un poète à la queue de cheval et à la peau asséchée par le vent et le soleil prend le micro. Remerciements à tout le monde d'être là, entre temps la "foule" a grimpé à deux cent personnes. Pas de mots pour le couple à vélo qui a fait 2000 km pour participer à l'évènement. Cette feria en l'honneur des coutumes dont nous sommes les gardiens, bla bla bla, pour perpétuer des traditions et continuer à les enseigner à nos enfants, bla bla bla, d'ailleurs nous tenons à remercier la présence de notre doyenne, qui est la mémoire de notre campo. Une vieille mamie apparaît, soutenue au bras par sa fille, elle se fait chaudement embrasser, soulève un oeil de satisfaction, et repart s'asseoir pour profiter de son asado grillé. D'ailleurs la viande doit être maintenant à point. Le poète continue sa tirade, et détaille le programme des réjouissances à venir. Cavalcade, jeux pour les enfants, au lasso et rodéo.

Après le défilé des chevaux, l'écoute de l'hymne chilien, chapeau bas, tout un peuple prend place autour de mini-arènes, un corral reconverti pour l'occasion. On se croirait dans une fête du sud-ouest, où les gamins jouent de la cape devant des vachettes compatissantes, en se prenant pour des grands, un regard pour la bête, un regard pour le drap de la muleta, un autre pour leur ombre, afin de s'assurer que leur posture soit digne des plus grands maestros. Mais ici, point de bêtes à cornes, le premier à sortir par la porte dérobée est un mouton. Face à lui, une dizaine de gamins qui trépignent, autant de lassos qui tournent dans l'air, cherchant le meilleur moment pour décoller et s'enrouler autour de la cible, les pattes au moins, le corps c'est mieux, la tête et les vivas de la foule seront assurés. La bête fait trois fois le tour de l'arène, les cordes volent et retombent dans la poussière, jusqu'à qu'une finisse par s'enserrer autour de sa jugulaire. A son bout, un bonhomme, haut comme 4 pommes, gaucho de la première à la dernière, qui n'en finit plus de bomber le torse pour assurer sa prise. Mais la bête doit peser trois fois son poids, alors son père, ses oncles se ruent sur la corde pour empêcher qu'il ne se fasse emporter par une ruade. Et voilà le garçon, embrassé, congratulé, recevant des tapes sur l'épaule ou la tête, félicité de mille manières. On ne sait d'ailleurs plus qui est le plus fier, les hommes de sa famille ou lui.

Les jeux s'enchaînent, les prochaines bêtes "sauvages" seront des alpagas, les petits remplacés par des ados ... pour un après-midi tranquille dans la pampa, un peu venté mais pas trop disent les locaux. Pas assez en tout cas pour voir les bérets s'envoler au dessus des collines.

Berga & Jéjé

Pris sur le vif

Déjà parcouru

     1186 km      17053 km
     168 km      232 km
     6342 m (6)


Où sommes nous ?


Date : 13/08/2014
Lieu : Saugnac et Cambran, France
Déplacement : Repos
Direction :

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